Volume 5 N°1
1994

Abstrait
Le bombement du Hoggar est caractérisé par une anomalie gravimétrique fortement négative de grande amplitude (juqu’à-120 mgal) et de grande longueur d’onde (600 Km). Cette anomalie résulte de l’existence d’un manteau lithosphérique anormalement léger situé à l’aplomb du bombement. Cet allégement serait en partie, associé à la phase distensive qui a affecté toute l’Afrique centrale et occidentale, au Crétacé inférieur. Il résulterait alors d’un amincissement de la lithosphère et du remplacement partiel du manteau lithosphérique par du manteau asthénosphérique plus léger et fertile.
Au bombement du Hoggar est associée une intense activité magmatique cénozoïque. Celle-ci a débuté à l’Eocène moyen par l’épanchement, au Sud de l’Amadghor, d’un grand volume de basalte tholéïtique (massif du Taharaq). Ce massif est exactement situé au sommet de l’anomalie gravimétrique. Les autres districts volcaniques du Hoggar sont situés sur les flancs de l’anomalie. Ils sont plus récents et d’affinité alcaline. L’âge du déclenchement de leur activité (entre le Miocène et le Pliocène) varie en fonction de leur position par rapport au sommet de l’anomalie (les districts les plus récents -Tahalgha, Eggéré et Adrar N’Ajjer- en sont les plus éloignés). Cette évolution spatio-temporelle associée au changement d’affinité des laves émises, évoque le modèle de point chaud proposé par Wyllie (1988) (volcanisme tholéïtique à l’apex du point chaud, volcanisme alcalin à la périphérie).
Dans le cas du Hoggar, ce point chaud se serait développé alors que la plaque était statique. Les données géochimiques et isotopiques montrent, par ailleurs, que les laves, qu’elles soient tholéïtiques ou alcalines, résultent d’une interaction entre deux sources, l’une « appauvrie » et l ‘autre « enrichie ». La première correspond vraisemblablement au manteau lithosphérique supérieur (voisin de celui remonté sous forme d’enclave par les basaltes alcalins les plus récents), la seconde à des matériaux asthénosphériques. Dans l’hypothèse d’un point chaud, ces derniers pourraient appartenir à un panache mantellique. Cependant, compte tenu du fait que la partie inférieure de la lithosphère du Hoggar a vraisemblablement une signature isotopique et géochimique asthénosphérique, en raison des évènements distensifs crétacés, la source enrichie pourrait bien être la lithosphère inférieure.
Les données paléomagnétiques les plus récentes montrent par ailleurs que la plaque Afrique, au niveau du Hoggar, a été presque statique entre -50 et -40 Ma (vitesse de déplacement inférieure à 0,5 cm/an). C’est justement durant cette période que s’est déclenché le volcanisme tholéïtique du Sud Amadghor. Si l’on retient l’hypothèse « point chaud », l’absence totale d’activité tholéïtique avant -45 Ma et après -35 Ma, du moins en surface, suggère que les vitesses de déplacement de la plaque avant et après l ‘Eocène inférieur-moyen (>2cm/an) sont trop grandes et/ou que les lithosphères au SW et au NE du Hoggar sont trop épaisses, pour que le point chaud puisse s’exprimer par du volcanisme. Il est possible aussi que le « point chaud Hoggar » corresponde, non pas à un vrai point chaud, mais à une perturbation thermique de moindre importance (uncourant convectif, par exemple), dont l’activité se serait accrue en raison du quasi-statisme de la plaque entre-50 et -40 Ma.
Cette perturbation thermique se serait alors exprimée « à la manière d’un point chaud » grâce à la présence d’une lithosphère inférieure fertile. Dans les deux cas, le volcanisme alcalin mio-plio-quatemaire résulterait de la résorption tardive d’instabilités gravitatives (par un mécanisme vraisemblablement de type diapirique) générées par l’injection et la percolation de fluides asthénosphériques en base de lithosphère.
Mots clés: Magmatisme intra-continental, tholéîte, basalte alcalin, bombement lithosphérique, point chaud, Hoggar, Afrique.